80 % des denrées alimentaires produites dans le monde le sont par des exploitations familiales © Cirad/Galaxie
Le 21 mars dernier, la 8e Conférence mondiale sur l’agriculture familiale se clôturait sur une déclaration finale reconnaissant le rôle « vital » des agricultrices et agriculteurs familiaux pour la durabilité de la planète. Un engagement partagé par le Cirad, membre de l’alliance du Forum rural mondial. Morceaux choisis de cet événement décisif à mi-parcours de la décennie des Nations unies pour l’agriculture familiale (2019-2028).
« Nous reconnaissons le rôle vital des agriculteurs familiaux (…) pour la durabilité de la planète. Nous soulignons leur contribution catalytique au développement économique des espaces ruraux, en garantissant la production d’aliments sains et de qualité, en gérant les ressources naturelles de manière plus durable et en préservant les connaissances locales. »
Ces mots proviennent de la déclaration de la huitième Conférence mondiale sur l’agriculture familiale, organisée par le Forum rural mondial (FRM). Une position amplement partagée par le Cirad, membre du FRM et mobilisé en faveur des agricultures familiales depuis sa création en 1984.
Plus de 200 participants étaient réunis pendant trois jours : représentants des agricultures familiales au sud et au nord, organisations de la société civile et représentants de haut niveau de la FAO, du Fida ou encore de la Direction générale des partenariats internationaux de la Commission européenne (DG Intpa), tous témoins et acteurs d’une dynamique montante autour du Forum rural mondial comme alliance mondiale. D’autant que cette coalition est soutenue financièrement par ses membres, mais aussi par le Fida et la DG Intpa.
L’agriculture familiale, un phénomène massif…
« Les formes familiales de production ont longtemps été négligées et considérées comme minoritaires. Elles sont pourtant massives à plus d’un titre, comme le rappelle Sara Mercandelli, économiste au Cirad. Les exploitations familiales produisent 80 % des denrées alimentaires et emploient 1,3 milliard de personnes dans le monde. Elles sont une formidable porte d’entrée pour améliorer la durabilité de nos systèmes alimentaires et réduire les inégalités dans le monde. À ce titre, elles devraient être davantage considérées et soutenues par les politiques publiques. » Autrement dit, « les agricultures familiales peuvent changer la planète » comme l’a résumé Marcela Villarreal, directrice de la division des partenariats et de la coopération Sud-Sud à la FAO, lors de son intervention à cette conférence.
… au cœur des grands défis de notre planète
La déclaration plaide pour des politiques globales qui reconnaissent la multidimensionnalité de l’agriculture familiale et son lien avec l’Agenda 2030 dans toutes ses composantes : l’alimentation, la nutrition, la santé, l’accès à la terre, la biodiversité, le climat, la lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Il y a cinq ans, la déclaration des Nations Unies sur la décennie de l’agriculture familiale (2019-2028) marquait une étape importante. Aujourd’hui, les aspirations des agriculteurs familiaux sont clairement visibles et les propositions sont concrètes. Alors que les crises prennent des formes diverses et que les défis s’intensifient, il est indispensable d’investir dans les agricultures familiales au travers de cadres politiques solides et protecteurs qui incluent des mécanismes de participation et de dialogue social avec les organisations qui les représentent.
Des comités nationaux de l’agriculture familiale dans plus de 50 pays
La conférence a fourni un espace précieux pour réfléchir aux réalisations, identifier les domaines d’amélioration et les défis, existants et émergents, et proposer une trajectoire solide et cohérente à tous les niveaux : national, régional et mondial.
La déclaration souligne l’importance de renforcer les Comités nationaux de l’agriculture familiale en tant que plateformes de dialogue multiacteurs pour mettre à jour et améliorer les politiques publiques dans les pays, renforcer la connexion entre les agendas, développer les bonnes pratiques et relever les défis actuels. Il est essentiel d’élargir leur rôle et leur participation dans l’élaboration des politiques publiques en leur fournissant les ressources nécessaires pour obtenir des résultats significatifs.
Expertise en analyse des politiques publiques
Cela va dans le sens du premier pilier de la décennie des Nations unies pour l’agriculture familiale : « Développer un environnement politique qui favorise le renforcement de l’agriculture familiale ». C’est aussi un thème d’expertise du Cirad qui mène depuis plusieurs décennies des recherches participatives sur les politiques publiques de soutien à l’agriculture familiale et sur la comparaison des dispositifs nationaux et internationaux. Notamment au travers de l’unité de recherche Acteurs, ressources et territoires dans le développement, du dispositif en partenariat Politiques publiques et développement rural en Amérique latine (PP-AL) et de l’Observatoire des agricultures de l’Océan indien. Pour Léonard Mizzi, chef d’unité à la DG Intpa, ces recherches et connaissances doivent être « connectées aux instances politiques pour être réellement transformatives ».
Rendez-vous du 7 au 9 mai prochain à Porto Alegre (Brésil) avec les scientifiques du Cirad et leurs partenaires pour le prochain événement de cette décennie pour l’agriculture familiale : la conférence internationale « L’agriculture familiale — Défis et perspectives 10 ans après l’Année internationale 2014 ».
Sara Mercandelli, économiste au Cirad, participait à la 8e Conférence mondiale sur l’agriculture familiale au travers d’une présentation sur les sciences participatives. Elle rappelle qu’au Cirad, les démarches participatives sont mobilisées dans trois types de productions scientifiques et techniques :
> Des connaissances actionnables par des sciences participatives et citoyennes. Par exemple des dispositifs d’observation ou de consolidation de données comme Pl@ntNet, de comptages, des plateformes d’information ouvertes ou des systèmes d’aide à la décision.
> Des solutions adaptées par la co-construction, le test et l’évaluation, comme les livings labs, les systèmes de recherche-action, la conception centrée sur l’utilisateur, les fermes pilotes ou la modélisation d’accompagnement (Commod).
> Par un meilleur dialogue science-politique ou par la participation des décideurs aux processus de recherche. À l’aide par exemple des approches ImpresS, des actions de prospective et d’anticipation, de la surveillance sanitaire communautaire, etc.
Ces approches participatives impliquant l’agriculture familiale offrent plusieurs avantages, notamment en créant des espaces permettant aux bénéficiaires de mieux exprimer leurs besoins, en renforçant les capacités des acteurs de la société, des agriculteurs jusqu’aux décideurs politiques, en améliorant l’appropriation des résultats scientifiques et l’ajustabilité des solutions.
En revanche, les scientifiques doivent accepter d’être dans une posture d’écoute, de mettre en place de nouvelles méthodologies souvent plus complexes. D’autant que des questions éthiques émergent concernant ce statut et la gestion du public et des politiques, car les différentes sphères de la société ne sont pas toujours préparées à ces interactions et collaborations directes.
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