Revoir les modes de gouvernance du foncier et investir dans la restauration des terres à grande échelle permettrait d'enrayer la dégradation des sols, selon un rapport onusien sur les perspectives foncières mondiales.
C'est un signal d'alarme de plus dans le paysage des alertes désormais récurrentes. La deuxième édition du rapport Global Land Outlook (GEO2, Perspectives foncières mondiales), publié le 27 avril sous l'égide de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), avertit : « À aucun autre moment de l'histoire moderne, l'humanité n'a été confrontée à un tel éventail de risques et de dangers familiers et inconnus, interagissant dans un monde hyper-connecté et en évolution rapide. Nous ne pouvons pas nous permettre de sous-estimer l'ampleur et l'impact de ces menaces existentielles ». Ce rapport phare, résultat de cinq années de travaux, a mobilisé 21 organisations partenaires et plus de 1 000 références. Il se présente comme la consolidation d'informations la plus complète jamais rassemblée sur le sujet.
Selon Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de l'UNCCD, « l'agriculture moderne a modifié la face de la planète plus que toute autre activité humaine. Nous devons repenser de toute urgence nos systèmes alimentaires mondiaux, qui sont responsables de 80 % de la déforestation, de 70 % de l'utilisation de l'eau douce et de la plus grande cause de perte de biodiversité terrestre ». Près de 40 % des sols de la planète sont dégradés, notamment par les activités minières, 70 % des terres ont été altérées par les activités humaines. Cette dégradation affecte la moitié de l'humanité et menace environ la moitié du PIB mondial, tout en faisant courir un risque accru de maladies zoonotiques, comme la Covid-19. La dégradation des sols par le changement d'utilisation des terres est une des limites planétaires déjà atteintes.
Des exemples de gouvernance foncière inclusive
La clé pour corriger ces trajectoires périlleuses se trouve dans de nouveaux modes de gestion du foncier visant à favoriser la restauration des sols. « Il n'y a pas de solution viable à la crise climatique sans transformer l'utilisation, la gestion et la gouvernance des terres », estime l'ONU. Les monocultures intensives et la destruction des forêts pour la production alimentaire et autres denrées de base génèrent la majeure partie des émissions de carbone associées au changement d'affectation des terres.
À l'heure où 1 % des fermes contrôlent plus de 70 % des terres agricoles mondiales, tandis que 80 % des exploitations comptent moins de deux hectares et couvrent 12 % des terres agricoles totales, un nouveau régime foncier s'impose. Les communautés rurales pauvres, les petits exploitants agricoles, les femmes, les jeunes, les peuples autochtones sont touchés de manière disproportionnée par la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse, alors que les connaissances traditionnelles des communautés locales « peuvent être utilisées pour protéger et restaurer le capital naturel », souligne le rapport, qui met l'accent sur la nécessité d'une gouvernance foncière plus inclusive.
En l'absence d'un traité mondial contraignant, les Nations unies ont élaboré des directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers. En 2019, une décision « historique », selon l'organisation internationale, a été adoptée, invitant les 196 Parties à la Convention sur la désertification à examiner et à adopter des législations et des procédures nationales de gouvernance foncière pour soutenir la restauration des terres. La décision a, en outre, encouragé les pays à reconnaître les droits fonciers légitimes, y compris les droits coutumiers des populations locales, et à améliorer l'égalité d'accès des femmes à la terre et la sécurité foncière.
Des plateformes multiacteurs apparaissent en Afrique, par exemple dans le bassin du fleuve Sénégal qui contribue de manière significative à la production agricole et à la sécurité alimentaire de l'Afrique de l'Ouest, mais se trouve confronté à des conflits d'accès au foncier liés au développement agro-industriel. Le Mali a adopté une nouvelle loi foncière accordant 15 % des terres aux femmes et aux organisations de jeunesse et reconnaissant les droits coutumiers. En Sierra Leone, en Mauritanie, des initiatives de reconnaissance foncière ont émergé, incluant la société civile.
Des hotspots prioritaires
L'identification des zones prioritaires (hotspots) n'est disponible que depuis 2020. Ces vastes écorégions dégradées, et devant impérativement être restaurées, se trouvent en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Amérique latine. « La communauté internationale peut faire plus pour soutenir les pays qui entendent assumer leur responsabilité particulière de ces biens publics mondiaux », souligne le rapport.
Le Global Land Outlook recommande ainsi la mise en œuvre d'un aménagement des territoires cohérent, soutenu par la finance internationale, en priorité dans ces hotspots. Exemple, depuis 2005, le programme environnemental de la sous-région du Grand Mékong, administré par la Banque asiatique de développement, a contribué à une meilleure gouvernance foncière au Cambodge, en Chine, au Laos, au Myanmar, en Thaïlande et au Vietnam, un ensemble de pays où la dégradation des terres est importante. Le programme se concentre sur la planification intégrée de l'utilisation des terres pour orienter quelque 50 milliards de dollars d'investissements.
La restauration de 15 % des terres converties ou dégradées dans ces hotspots pourrait éviter 60 % des extinctions d'espèces attendues, tout en séquestrant jusqu'à 300 gigatonnes de carbone, ce qui représente environ 30 % de l'augmentation totale des concentrations dans l'atmosphère depuis la révolution industrielle. Le rapport coût-efficacité de la restauration peut être multiplié par treize lorsque l'allocation spatiale est optimisée à l'aide d'une approche multicritère (par exemple, biodiversité, climat, variables hydriques). L'articulation entre espaces ruraux et étalement urbain fait l'objet d'un focus dans le cadre duquel les exemples de planification régionale se multiplient pour maintenir la sécurité alimentaire des régions urbaines.
La Grande Muraille verte d'Afrique, qui vise à restaurer les paysages dégradés du continent, illustre « une initiative de restauration régionale qui adopte une approche intégrée, avec la promesse de transformer la vie de millions de personnes », indique le rapport. « La production alimentaire favorable à la nature se caractérise par une utilisation régénératrice, non épuisante et non destructrice des ressources naturelles. Elle est basée sur la gestion de l'environnement et de la biodiversité en tant que fondement des services écosystémiques essentiels, y compris la régulation du sol, de l'eau et du climat. » Le réensauvagement complète l'agriculture régénérative, le but étant la réduction de l'empreinte humaine pour permettre aux processus écologiques naturels de se rétablir, à l'image de la grande vallée de Côa, au nord du Portugal, et des zones humides d'Iberá, en Argentine.
Restaurer tout en limitant la hausse des prix alimentaires
Conserver ne suffit plus. L'enjeu se trouve dans la restauration d'environ cinq milliards d'hectares, soit 35 % de la superficie terrestre mondiale, à l'aide de mesures telles que l'agroforesterie, la gestion des pâturages et la régénération naturelle à grande échelle. Dans cette hypothèse, d'ici à 2050, les rendements des cultures augmenteraient de 5 à 10 % dans la plupart des pays en développement par rapport au scénario de référence, les gains les plus importants étant enregistrés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en Amérique latine et en Afrique subsaharienne, ce qui limiterait la hausse des prix des denrées alimentaires. La capacité de rétention d'eau du sol augmenterait de 4 % dans les terres cultivées à sec. Les stocks de carbone augmenteraient de 17 gigatonnes nettes entre 2015 et 2050. La biodiversité continuerait de décliner, mais pas aussi rapidement, avec 11 % de perte évitée.
Les promesses des États de restaurer un milliard d'hectares d'ici à 2030 – une superficie équivalente à celle des États-Unis ou de la Chine –, dont 250 millions d'hectares de terres agricoles, requièrent la mobilisation de 1 600 milliards de dollars au cours de cette décennie et de réorienter les 700 milliards de dollars actuellement investis dans les subventions agricoles et les énergies fossiles. La restauration des terres, des sols, des forêts et d'autres écosystèmes contribuerait à alléger de plus d'un tiers les coûts de l'atténuation du changement climatique à 1,5 °C. Chaque dollar investi dans la restauration des terres dégradées rapporterait entre 7 et 30 dollars de bénéfices. « L'espoir demeure, alors que la décennie de restauration a commencé », a déclaré M. Thiaw lors de la présentation des Perspectives foncières mondiales, le 27 avril.
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