Alors que les conséquences de la pandémie de Covid-19 et l’impact du conflit ukrainien continuent de fragiliser la sécurité alimentaire de nombreuses régions du monde, la lutte contre la faim s’annonce comme l’une des problématiques majeures de l’agenda politique international en 2023. La perturbation durable des circuits d’approvisionnement alimentaire mondiaux met en exergue la dépendance du continent africain en matière de production agricole, et donc de sécurité alimentaire et nutritionnelle.
« L’Afrique ne devrait pas avoir de problème alimentaire car nous sommes très riches : terres arables, ressources en eau, diversité de la faune et de la flore, jeunesse dynamique et active, énergie solaire… L’Afrique est un continent très riche, mais reste le moins protégé sur le plan alimentaire, malgré des politiques et stratégies élaborées », relève Kolyang Palebele, président de la Pan African Farmers Organisation (Pafo).
Si l’accompagnement des agriculteurs et les progrès techniques accomplis les vingt dernières années sont indéniables, le manque de relais en matière de politiques publiques dans de nombreux États ne permet pas de consolider pour l’heure les acquis. « Alors que nous allons vers un doublement de population du continent d’ici 2050, il s’agit du défi politique majeur de tous les leaders africains dans les trente années à venir. Si on ne peut pas nourrir ces populations, on affrontera des crises politiques et sécuritaires croissantes », avertit Ibrahim Mayaki, ancien premier ministre du Niger. Suite au sommet de juin 2014 à Malabo, une conception commune du système alimentaire africain a pu émerger entre les puissances du continent, ouvrant le champ à une transition multisectorielle du secteur agricole continental. Mais l’ancien chef de gouvernement épingle un manque de priorisation politique : « Depuis la déclaration de Maputo en 2003, il a été requis auprès des États l’investissement de 10 % du budget national dans l’agriculture. Mais actuellement, seuls sept à huit pays africains ont respecté cet engagement. Or, on ne peut pas parler de politique publique s’il n’y a pas d’investissement public. » Matthieu Brun, directeur scientifique de la fondation Farm abonde dans le même sens et démontre que « plus les pays dépendent de l’agriculture, moins ils la soutiennent ».
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L’agriculture familiale comme moteur
« Les crises agissent comme révélateurs des faiblesses structurelles. Et les politiques publiques jouent un rôle de bouclier face à ces chocs, abonde Christophe Guilhou, directeur du développement durable au Quai d’Orsay. Il faut soutenir des modèles plus productifs, plus résilients et durables pour l’Afrique », poursuit-il. Et un levier fondamental réside dans le soutien des États au secteur privé, en particulier aux petites exploitations familiales qui produisent, comme le rappelle la FAO, 80 % des denrées consommées. « La place des organisations paysannes est centrale. Elles doivent être impliquées dès le départ dans la réflexion, mais aussi la mise en œuvre, l’évaluation de toutes ces politiques, pour apporter leur savoir-faire nécessaire à la sécurité alimentaire. Si on lui assure un climat politique favorable et des débouchés stables, le secteur privé est à même de mobiliser toute la chaîne des valeurs de la production agricole, en passant par le foncier, les rendements, la distribution, le stockage, la distribution… », soutient Kolyang Palebele.
Une position qui illustre les orientations stratégiques adoptées par Proparco, filiale du groupe AFD, dans son soutien financier. « Le développement agricole et rural nécessite la montée en puissance d’un écosystème complexe d’acteurs publics et privés. Nous constatons qu’il faut renforcer l’environnement des affaires pour créer des incitations nécessaires au financement d’acteurs plus modestes des chaînes de valeur agricoles : TPE, PME agricoles et associations de producteurs, avec chacun des besoins très spécifiques », confirme Morgane Rocher, chargée d’affaires chez Proparco. « Le financement public a un effet de levier sur les investissements privés. Le secteur privé a besoin d’un environnement réglementaire clair et cohérent et de politiques publiques sur l’ensemble de la chaîne de valeur (promotion de systèmes financiers adaptés, régulation de marchés locaux, impulsion forte sur les sujets de transition agroécologique) », complète-t-elle.
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Il s’agit de pourvoir au besoin de financement annuel des 70 millions de petits producteurs et éleveurs en Afrique subsaharienne, qui est estimé à 55 milliards de dollars. « Le secteur agricole reste mal financé, risqué, mais aussi mal perçu par les investisseurs, alors qu’il est possible de réduire le risque sur le secteur. Car rien ne sera possible sans que l’agriculteur familial ne puisse faire les investissements nécessaires dans sa ferme pour pouvoir s’adapter aux crises et au marché », souligne Touraya Triki, directrice de la division Production durable, marché et institutions du Fonds international de développement agricole (Fida). Une position partagée à l’AFD : « investir dans l’agriculture familiale est absolument essentiel », confirme Gilles Kleitz, directeur exécutif en charge des solutions développement durable.
Face à un défi aussi large, la réponse doit cependant agir à différents niveaux pour être efficace. « Il faut penser à la production, mais aussi au marché, précise Touraya Triki, sinon on ne réduit pas la faim ni la grande pauvreté. » Pour parvenir à une production agricole durable, sécurisée, accessible, Gilles Kleitz souligne qu’il est nécessaire d’élaborer des politiques publiques adaptées dans de nombreux domaines : foncier, structuration des filières, politiques fiscales, protection des frontières et douanes, formation et emploi, développement rural des infrastructures nécessaires. Une élaboration qui doit être menée par les acteurs concernés. « L’AFD est aux côtés des gouvernements et des producteurs africains, car c’est à eux de construire ensemble les politiques agricoles africaines : en Afrique, dans les pays, ainsi qu'à l'échelle régionale et continentale. » Avec une attention portée aux populations les plus vulnérables.
Des filets sociaux pour soutenir la sécurité alimentaire
Car les premières victimes de la crise alimentaire restent les femmes et les enfants, auxquels les capitaux ne parviennent encore que rarement. Une limite qu’Agnès Soucat, responsable de la division Santé et protection sociale de l’AFD, se propose de dépasser. « Les filets sociaux soutiennent la sécurité alimentaire. Mais en 2022, de nombreux pays ont subventionné le prix des denrées sans trop cibler les bénéficiaires. Or, on a constaté que ces subventions sont inadaptées pour toucher les plus vulnérables. Il en ressort une nécessité de mise en œuvre de programmes de renforcement de la protection sociale pour protéger les populations avant, pendant et après les crises », indique la spécialiste de la résilience face aux dérèglements climatiques. « La hausse en intensité des chocs et les superpositions des crises imposent de renforcer les systèmes de protection sociale adaptative », insiste Agnès Soucat. C’est dans cette perspective que depuis fin 2022 en Mauritanie, par exemple, le groupe AFD appuie ce type de stratégie grâce à la subvention Minka, avec 12,5 millions d’euros investis en trois ans. 80 % des récipiendaires de ce fonds sont des femmes.
En tant que banque publique de développement, l’AFD soutient ainsi l’investissement public permettant de créer les conditions favorables au développement d’une agriculture productive, inclusive et résiliente, respectueuse de notre planète. Les financements visent à bénéficier en priorité aux populations vulnérables sur le plan économique, social et environnemental. Entre 2013 et 2021, 3,9 milliards d’euros ont été engagés par le groupe AFD contre l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne.
Revoir la conférence « L'importance des politiques publiques pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique »
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