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News & Events Bénin : 05 raisons pour laisser les femmes accéder à la terre en sécurité
Bénin : 05 raisons pour laisser les femmes accéder à la terre en sécurité
Bénin : 05 raisons pour laisser les femmes accéder à la terre en sécurité

 


A la faveur d’un atelier de formation du réseau Wildaf/Feddaf-Bénin appuyé par la fondation Konrad-Adenauer à l’attention des acteurs de la gouvernance foncière en milieu rural, des participants venus des communes du département du Zou ont été entretenus sur les enjeux économiques d’un accès sécurisé des femmes à la terre. Nous vous rapportons 05 bonnes raisons pour ne plus empêcher les femmes d’accéder à la terre.


Par: Olivier Ribouis*


On ne devrait plus tenir compte des pesanteurs sociologiques pour empêcher les femmes d’avoir un accès sécurisé à la terre en milieu rural. Il y a même de très bonnes raisons pour favoriser l’accès des femmes à la terre partout au Bénin. Bertrand Yèhouénou, Secrétaire général de Synergie paysanne, Solange Bankolé, juriste et consultante en genre et développement, Abel Gbètoénonmon, analyste économique, planificateur de développement et Directeur Afrique Performance (Afriperf) sont trois experts qui ont éclairé la lanterne des acteurs de la gouvernance foncière des communes du département du Zou  sur l’importance de favoriser l’accès sécurisé des femmes à la terre. Pendant deux jours, les 27 et 28 octobre, autour du thème « « enjeux économiques du foncier et défis de la sécurisation des terres pour les femmes », ils ont développé plusieurs bonnes raisons.


1, pas d’agriculture sans la femme


Premier secteur pourvoyeur d’emplois dans les pays en voie de développement, l’agriculture l’est davantage en milieu rural. Et selon les experts s’appuyant sur divers rapports, les femmes sont la cheville ouvrière de l’agriculture partout en Afrique et particulièrement  dans les pays en voie de développement comme le Bénin.


« Les femmes agricultrices et rurales faut-il encore le rappeler, sont des agents économiques à la fois inventives et résilientes », a déclaré Mounirou Tchacondoh, Coordonnateur de la fondation Konrad Adenauer, à l’ouverture de l’atelier à Bohicon. Et ce ne sont pas de vains mots. La juriste et consultante en genre et développement souligne à cet effet que les femmes sont omniprésentes dans les activités agricoles. « Elles sont présentes à divers niveaux : dans la production agricole ; dans la transformation des produits ; dans la commercialisation des produits ; dans l’alimentation de toute la famille ».


2, les femmes, piliers de l’économie locale


 L’économie est ce qui tient tout un pays, toute une communauté, voir le monde disent les économistes. Il n’est pas rare d’entendre d’ailleurs dire, quand l’économie va, tout va. Aussi vrai que cela puisse paraît. L’économie n’existe pas sans les acteurs clés qui l’animent, l’alimentent. L’économiste et consultant en planification du développement Abel Gbètoénonmon souligne qu’en effet, la majorité de la population des pays en voie de développement vit en en milieu rural et l’économie tient bon grâce aux femmes. « Plus de 67% de la population vivent en milieu rural » et on a « des économies locales fortement agricoles et majoritairement animées par les femmes ».


En ce qui concerne le département du Zou dont les acteurs sont sensibilisés, il faut savoir que sur ses 851 580 habitants, il y a 444 550 femmes et la population rurale est de 570 652. En peu de mots résume-t-il, « les femmes déterminent le dynamisme de l’économie locale. Elles sont présentes dans tous les secteurs de l’économie informelle. Elles contribuent à la croissance agricole ».


3, pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle


Annoncer à quelqu’un qu’il sera privé d’aliments pendant deux à trois jours, et vous lirez sur son visage la meilleure explication de sécurité alimentaire. Néanmoins, voici comment les sachants l’expliquent depuis le sommet mondial de l’alimentation en 1996. « La sécurité alimentaire "est assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine" ». Abel Gbètoénonmon note : que la sécurité alimentaire s’appréhende à travers 04 dimensions principales « la disponibilité, l’accessibilité, l’utilisation des aliments et la stabilité ».


On pourrait dire qu’on le sait, mais ce que beaucoup ne savent, c’est que sans les femmes, il n’y aurait pas d’aliments en quantité et en qualité pour tous.


Pour s’être intéressé à la question Gbètoénonmon relate que « dans de nombreux cas où l’exploitation familiale se consacre à la production des cultures de rente, la femme prend la précaution de disposer d’un lopin de terre ou d’une exploitation agricole de proximité destinés à la production d’alimentation ». Il est à savoir que « la propension à produire des cultures vivrières est plus élevée chez la femme que chez l’homme ».


Une étude de la Fao l’illustre bien, en effet. Selon cette étude que rapporte la juriste Solange Bankolé, « dans les pays en développement comme le Bénin, les  femmes participent à environ 80% dans la production des aliments ». Paradoxalement, « elles sont les plus exclues de cette denrée rare et précieuse qu’est la terre ». De ce fait, dit Mounirou Tchacondoh, le coordonnateur national de la KAS, « en améliorant l’accès sécurisé aux terres pour les femmes, vous contribuez  à assurer la sécurité alimentaire, au recule de la faim et de la  pauvreté, mais aussi à une augmentation de la croissance économique locale ».


4, le développement local en dépend


Depuis 20 ans, le Bénin est dans un processus de décentralisation qui consacre le développement à la base. Portés par les populations, les élus locaux sont appelés de trouver des voies et moyens pour conduire leurs localités au développement. Dans des pays où l’agriculture prédominent, une gouvernance foncière sans discrimination de sexe est nécessaire, du point de vue des spécialistes du développement local. « Le développement local inclusif, nécessite que la gouvernance foncière soit sensible au genre, d’où la nécessité pour les élus locaux, les conseillers communaux et autres décideurs se mobilisent pour un meilleur accès des femmes à la terre », a déclaré la spécialiste du genre et développement Solange Bankolé.


L’économiste Gbètoénonmon explique de son côté que « le premier pas pour des politiques de sécurité alimentaire sensible au genre est la collecte et l'analyse de données ventilées par sexe (pour la production, l'organisation et la gestion financière de la production, la gestion post-récolte et la commercialisation) ». Il apprend que « des études menées au niveau communautaire, en Afrique subsaharienne, ont révélé qu’il existe une forte division du travail entre les femmes et les hommes, avec une forte dominance des femmes pour de nombreux aspects de la production agricole ».


Au Bénin en particulier, les femmes constituent plus de 51,2% de la population, avec 61,3% en milieu rural où elles fournissent 60 à 80% de la main d’œuvre agricole (MCA-Bénin, 2008). L’étude a aussi mis en exergue le caractère rural et féminin très prononcé de la pauvreté dans le pays.  Sans compter que, informe Gbètoénonmon, « dans les pays moins avancés, le nombre de ménages ayant pour chef une femme s'accroît dans les zones rurales en raison de l'exode rural ».


5, la loi soutient l’accès des femmes à la terre


Nul n’est censé ignorer la loi, dit le dicton. Mais, au Bénin, force est de constater qu’en matière foncière, les femmes subissent des restrictions dans l’accès à la terre en dépit d’un arsenal juridique conséquent. « L’accès à la terre est un droit reconnu à toute personne, homme ou femme », déclare Solange… selon qui, « ce droit déjà consacré dans les différentes lois doit être préservé par les autorités locales, communales et nationales ».


A titre illustratif, la Constitution du 11 décembre 1990, en son article 22 stipule que « toute personne a droit à la propriété…». La même loi fondamentale, en son article 26 dispose de l’égalité des sexes et du devoir des pouvoirs publics d’y veiller : « l’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale ». Et en matière juridique, à travers le code foncier et domanial qui règlemente la gouvernance foncière, l’Etat béninois donne plein droit à la femme au même titre qu’à l’homme sur la possession des terres.  L’Etat et les communes doivent « veiller au respect de l’égalité entre homme et femme dans l’accès du foncier », dit l’article 6 du code.


« L’égalité hommes-femmes constitue l’un des dix principes fondamentaux d’application des Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaires nationale. Une gouvernance foncière équitable du point de vue du genre veille à ce que hommes et femmes prennent part de manière égale aux relations foncières à travers des arrangements formels et informels en matière d’administration et de gestion foncière », dit à ce sujet, Bertrand Yèhouénou de Synergie paysanne.


Dans les familles où les pesanteurs sociologiques servent de prétestes pour écarter les femmes des affaires foncières, le code des personnes et de la famille votée en 2004 est clair. « La loi N°2002-07 du 14 août 2004 portant Code des personnes et de la famille (CPF) en République du Bénin pose un certain nombre de principes qui protègent les droits des femmes (droit à l’héritage, droit du conjoint survivant à une part successorale) », informe la juriste.


« Peut hériter les biens d’une personne décédée toute personne ayant la qualité  d’enfant et de descendant, de père et de mère, de frères et sœurs ou de conjoint survivant », rappelle Bertrand Yèhouénou à la lecture de l’article 604 du Code des personnes et de la famille. Et c’est sans distinction de sexe. « Les enfants de sexe féminin ont les mêmes droits que les enfants de sexe masculin en matière de partage des biens de la succession qu’il s’agisse des terres ou des mobiliers », a-t-il martelé au tire de l’article 619, al. 2 du même code.


 


* Olivier Ribouis est journaliste au sein de la rédaction du média Banouto. Il est spécialisé sur la thématique de l'accès des femmes à la propriété foncière


** Cet article a été publié initialement sur le site Banouto.info