Date: 12/06/2020
Par: Vincent De Paul KABORE, Vice-président de WEND PUIRE Distribution
De nos jours, le BURKINA FASO fait face à une pression démographique sans pareil. Celle-ci s’exerce principalement autour des grandes villes qui subissent les affres d’un taux de natalité assez élevé, d’un exode rural aggravé par l’afflux massif des populations fuyant les zones sous emprises des attaques terroristes et d’une urbanisation forcée.
Au fil du temps la terre a acquis une grande valeur marchande et cela a favorisé l’essor des activités d’une pléthore de sociétés immobilières et de spéculateurs fonciers informels créant ainsi une ruée foncière. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le vivre ensemble des populations.
Les conséquences d’une telle situation sont entre autre les nombreux conflits fonciers enregistrés constamment aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain.
L’éclatement d’une situation profonde de crise foncière pourrait être aggravé par le contexte général de rapides transformations écologiques, démographiques, économiques et sociales observables tant au niveau local que national. (Il faut rappeler que les concepts conflits fonciers s’appliquent à toutes les situations dans lesquelles des individus ou groupes d’individus s’opposent par rapport à leurs actions ou leurs objectifs vis-à-vis de la terre. Il s’agit des désaccords, des disputes et de contestations de droit de propriété.)
Nous prenons pour preuve le tout récent conflit foncier qui a dégénéré en avril 2020 dans la Comoé, plus précisément à Dagnigni dans la commune de Sidéradougou et qui s’est soldé par la mort de trois personnes et d’une fracture sociale encore perceptible.
Ceci avait d’ailleurs fait les choux gras de la presse nationale. Cela dénote de l’ampleur et de l’importance du sujet qui nous interpelle tous. Toutefois, quels sont les types de conflits fonciers que connait le Burkina Faso et d’où tirent-ils leurs sources ?
Les conflits fonciers enregistrés jusque-là au Burkina Faso sont généralement d’ordre social, économique, administratif et sont liés entre autres à la gestion des ressources naturelles (terre, pâturage, pêcherie, forêts, etc…).
Aussi, ils opposent soit deux collectivités qui se disputent un domaine où les limites d’un domaine, soit un individu à sa collectivité suite à une vente de terre collective sans l’accord de la grande famille ou par usurpation de droit de propriété.
Ces conflits opposent également deux individus d’une même collectivité ou d’une même famille et donc relatifs à la succession. Ils peuvent aussi opposer deux individus liés par un contrat de vente, un particulier à une administration en cas d’expropriation, ou peuvent être des différends frontaliers entre villages, arrondissements et communes.
De façon pratique, l’une des origines des conflits est la contestation ou revendication de droit de propriété. Ce sont le plus souvent des parcelles acquises et contestées plus tard par les
descendants de la lignée du propriétaire vendeur ou des terres issues du système de
métayage ou simplement de donation que ces derniers revendiquent et que les bénéficiaires
contestent.
Ce sont aussi des ventes de la même parcelle à plusieurs personnes qui entraînent des conflits entre les acquéreurs de ladite parcelle. Les conflits sont nés en réalité du fait que la grande majorité des terres objet de commerce ne sont pas immatriculées au livre foncier. On note en effet une opposition entre législation moderne et les principes et pratiques coutumiers.
L’autre source de conflits est le partage des biens successoraux, se traduisant par l’inégalité dans le partage des terres, la vente des terres sans accord préalable du conseil de famille et/ou l’exclusion des femmes du partage des terres. Pour ce qui est du cas des femmes, certaines se voient déposséder leurs terres par leurs beaux-frères, après le décès de leurs époux en brandissant l’arche de la tradition qui soutienne que la femme ne peut pas revendiquer la terre.
Pour certains, la terre ne suffit pas aux hommes, pourquoi faudrait-il la partager avec les femmes. Mais de nos jours, l’Etat est entrain de lutter pour que tous les genres aient droit à la terre.
Avec la spéculation des terres, l’abus et la mauvaise exploitation des textes il arrive que dans certains endroits les populations autochtones n’aient plus assez d’espaces pour cultiver. Celles-ci sont obligées d’aller dans d’autres communes pour demander des terres à exploiter. Les autochtones vont souvent jusqu’à retirer les terres des étrangers pour les revendre à de nouveaux (souvent aux promoteurs immobiliers) ou pour les exploiter eux-mêmes. Cette situation crée également des frustrations et peut conduire à un conflit.
L’une des conséquences de l’exploitation massive des terres, c’est que cela conduit souvent à l’occupation des couloirs qu’empruntent les animaux en transhumance. Au final, ces derniers ne trouvant pas leurs voies, piétinent les plants des agriculteurs entrainant souvent la destruction des productions. Et cette situation conduit le plus souvent au conflit agriculteurs-éleveurs.
S’ajoutent à ces causes, l’attribution illégale de titre de propriété par les structures administratives en charge du foncier, l’ignorance des populations quant aux opérations de lotissement, la contestation des travaux de lotissement par les populations, la détention de titre de propriété par plusieurs personnes sur une même parcelle, la mauvaise gestion du patrimoine foncier de l’Etat ou des Communes par les autorités administratives, la non acceptation des décisions de justice.
Il y a également la non détention de titre de propriété dans les zones rurales, le contentieux entre les citoyens et l’Etat relativement au foncier, le déguerpissement des occupants sans titre, le mauvais recasement et la mauvaise attribution de parcelles, l’attribution illégale de titre de propriété par les structures administratives en charge du foncier, etc. La liste n’est pas exhaustive.
Du reste, les conflits fonciers sont de plus en plus nombreux et violents. Les causes institutionnelles, sur lesquelles l’on peut agir efficacement sont principalement, l’ignorance des maîtrises foncières et des prérogatives de gestion foncière des communautés autochtones sur les ressources de leurs terroirs, l’absence de règles locales consensuelles et validées relatives à l’accès à la terre et aux ressources naturelles, ainsi que la faible articulation entre une multitude d’instances locales de gestion alternative des conflits et les institutions judiciaires de base.
En somme, nous avons pu nous rendre compte de la complexité des causes de ces conflits fonciers au Burkina Faso du fait même de la diversité des acteurs en jeu. Il reste que des moyens soient mis en œuvre pour réduire ces conflits.
C’est pourquoi nous nous inscrivons en vrai en disant que, maîtriser la question foncière rurale au Burkina Faso et y apporté des réponses efficaces apparaît aujourd’hui plus que jamais comme une urgente nécessité pour l’ensemble des acteurs.