Date: 5 juin 2018
Source: Leconomiste.com
Par: Mohamed CHAOUI
- Suppression imminente des certificats physique de propriété
- Deux projets de loi soumis au SGG
- Les biens en déshérence immatriculés sont au nombre de 4.037
La Commission du suivi de la spoliation des biens immobiliers et fonciers, présidée par Mohamed Aujjar (photo), a tenu vendredi une de ses réunions périodiques destinées à «faire le point sur ses réalisations et sur ce qui reste à faire».
L’Agence de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ACFCC) est une pièce maîtresse du dispositif. Lors de cette rencontre, elle était représentée par son DG qui a mis en avant les actions entreprises pour la protection contre les tentations de spoliation des biens d’autrui. Karim Tajmouati a abordé les certificats de propriété, à l’origine de nombreuses opérations de falsification.
Il a ainsi annoncé la suppression définitive de ces documents, actuellement en cours de digitalisation. « Dans deux mois, nous allons stopper ces certificats physiques. Tous les conservateurs sont invités à surveiller les dossiers sensibles pour traquer les opérations douteuses. Nous enregistrons un retard à ce niveau mais nous devons passer par cette étape de sécurité», a-t-il souligné.
L’autre point, déjà en vigueur, concerne le déploiement du site «mouhafadati» qui correspond à un système d’alerte de toute opération sur un titre foncier. Les citoyens adhérents à cette formule reçoivent, sur leur mobile et leur mail, tout changement dans la situation de leurs titres.
Ce service rencontre un engouement important au point qu’il compte plus de 25.000 adhérents, a précisé le ministre. «Dans les semaines à venir, nous allons rendre automatique l’inscription au dispositif «mouhafadati» pour tout nouvel acquéreur de biens immobiliers et fonciers», ajoute le DG de l’Agence.
Autre disposition, l’identification des biens en déshérence. Leur nombre est estimé à plus de 8.299. Ces biens sont aujourd’hui connus à travers le territoire national et font l’objet d’un suivi permanent à partir des services centraux de la Conservation foncière. Après vérification, les biens immatriculés ayant ce statut sont au nombre de 4.037. Il est à rappeler que la Conservation foncière dispose de 6 millions de titres fonciers. « Ce nombre reste réduit», note un membre de la Commission.
Si cette Commission travaille sous la supervision du ministère de la Justice, elle implique d’autres départements comme l’Intérieur, les Finances, l’Ordre national des notaires, le barreau des avocats, la DGI, …. Mohamed Aujjar a tenu à priviligier l’approche participative. Le tour de table comprend également le ministère des Affaires étrangères, très décisif pour les vérifications des documents via les représentations diplomatiques et consulaires à l’étranger.
Cette méthode présente l’avantage de résoudre les problèmes, en raison de la présence des intervenants concernés. En tout cas, le nombre de dossiers relatifs à la spoliation de biens annoncé lors de cette réunion est estimé à 57. Un chiffre loin de ce qui a été avancé par des associations actives dans le domaine.
L’autre mesure prise vise l’authentification des documents et des contrats conclus à l’étranger pour l’acquisition de biens situés au Maroc. Désormais, la vérification de la véracité des pièces se fera avec les autorités des pays concernés. Le département de Mohamed Aujjar a reçu 193 demandes de la Conservation foncière. 156 ont été traitées et 37 sont en cours.
Par ailleurs, le ministère de la Justice a également pris des initiatives sur le plan législatif. Ainsi, il a soumis deux projets de loi au Secrétariat général du gouvernement (SGG). Le premier vise à amender le Code pénal en vue d’unifier les sanctions relatives à la falsification des documents élaborés par les professionnels, chargés de rédiger les actes comme les notaires, les adouls et les avocats. La peine privative de liberté oscille entre 10 et 20 ans. Par le passé, elle était plus sévère, a indiqué le directeur des Affaires pénales et des grâces.
Le deuxième projet concerne la procédure pénale. Il s’agit d’accorder aux représentants du Parquet général, au juge d’instruction et au tribunal l’habilitation de geler le bien objet de litige pénal ou de plainte publique, comme mesure conservatoire jusqu’au jugement définitif. Reste à savoir si ces efforts vont rassurer les victimes.
Rappelons que l’Association pour le droit et la justice au Maroc (ADJM) s’est inquiétée il y a quelques jours de l’enlisement de la réforme. Dans une pétition cosignée avec le collectif des victimes, elle a demandé «des mesures concrètes d’urgence» pour mettre un terme aux spoliations foncières. Ce phénomène suscite de nombreux débats depuis l’adoption de la loi de 2011 qualifiée de «Loi spoliatrice».
En décembre 2016, le Roi avait d’ailleurs donné des instructions claires pour activer la réforme. La loi dite «Loi spoliatrice», adoptée en 2011 continue d’inquiéter les victimes. Pour l’ADJM, cette loi doit être abrogée (cf l’Economiste du 27 mai 2018).
Quid de l’indemnisation?
Le ministre de la Justice a toujours été favorable au principe d’indemniser les victimes de spoliation. Karim Tajmouati abonde dans le même sens. Du coup, la mise en place d’un fonds de garantie est sur la table. En fait, il s’agit d’un mécanisme d’indemnisation des victimes, répondant à des critères précis avec l’engagement de l’Etat de sécuriser les mécanismes d’immatriculation foncière. «D’un point de vue financier, la faisabilité ne pose aucun problème» mais tire la sonnette d’alarme sur les risques d’ouvrir les portes aux excès. «Maintenant, nous sommes en train de travailler avec les ministères de la Justice et celui de l’Economie et des finances pour mettre en place un dispositif d’accompagnement des victimes de spoliation. La mécanique n’est pas encore arrêtée et les contours de ce dispositif ne sont pas figés», dit-il.