Par: Christian St-Jacques, Président de l’Union des Producteurs Agricoles (UPA) de la Montérégie
Date: 25/07/2020
En qualité de président, je travaille quotidiennement à pérenniser l’agriculture en Montérégie. Les 12 000 agricultrices et les agriculteurs du territoire que je représente se heurtent à une multitude de défis de taille : changements climatiques, rareté de la main-d’œuvre, sécurité sanitaire...
Malgré tout, en Montérégie, la plus grande menace pour l’agriculture demeure l’avidité des villes pour les terres agricoles. En seulement deux ans, 32 municipalités de la Montérégie ont réclamé à la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) l’autorisation de détruire une superficie totale de 634,22 hectares de terres agricoles. Ces demandes sont l’équivalent de 1000 terrains de football. À titre d’exemple, la Ville de Saint-Lambert accueille 22 000 résidants sur un territoire équivalent.
Comment expliquer l’absence totale d’ingéniosité des municipalités lorsque vient le temps de mener à terme des projets de développement ? Protection, revitalisation et innovation ne sont pas des concepts dans la lorgnette de nos élus. On préfère miser sur l’esprit de clocher et concurrencer son voisin en conservant des méthodes désuètes de développement dictées par une vision centralisatrice et unilatéralement économique.
Les conséquences de cette approche sont désastreuses pour l’agriculture. Parcs industriels, projets résidentiels, espaces commerciaux seront inexorablement projetés en zone agricole puisque le prix à l’hectare y est redoutablement avantageux. Sans l’intervention soutenue et cohérente de la CPTAQ, notre agriculture familiale aurait disparu depuis belle lurette du portrait régional.
L’appétit insatiable des villes pour le territoire agricole dilapide sans vergogne le garde-manger collectif et fragilise notre sécurité alimentaire nationale. Dans ce contexte, la demande du conseil des maires de la municipalité régionale de comté (MRC) du Haut-Richelieu de soustraire de la zone agricole un lot de 187 hectares pour aménager un parc industriel est non seulement déraisonnable : elle démontre au gouvernement du Québec l’urgence d’adopter une politique nationale en matière d’aménagement du territoire.
Le projet de loi 61 est un pouvoir unique et exceptionnel dont veut se doter le gouvernement de François Legault pour construire le Québec dans l’intérêt collectif. Utiliser ce prétexte pour consentir aux doléances des élus municipaux qui se sont vus refuser par la CPTAQ la concrétisation de leur projet injustifié réduirait les plus belles terres agricoles nourricières du Québec à de vulgaires terrains en attente de béton.
Notre premier ministre doit impérativement fermer la porte à ces demandes et démontrer le sérieux de sa démarche en hissant le secteur agroalimentaire au rang de priorité nationale. La CPTAQ doit aussi pouvoir continuer de réaliser librement son mandat de protéger le territoire et les activités agricoles afin d’accroître la souveraineté alimentaire des Québécoises et des Québécois.
L’agriculture réclame une trêve. La pression opérée depuis tant d’années sur les sols fertiles de la Montérégie doit cesser dès maintenant. Nos administrations municipales doivent revoir leurs façons de faire. Entre autres, toutes les options de densification des espaces disponibles hors de la zone agricole doivent être priorisées lors de l’élaboration de projets de développement. Soyons ingénieux, créatifs et innovants…
Le garde-manger du Québec fragilisé par les changements climatiques
La Montérégie renferme des sols affichant une productivité et un rendement agronomique exceptionnel, nulle part égalé au Québec. La rareté des terres agricoles [moins de 2 % du sol québécois] et leur caractère non renouvelable leur confèrent une importance stratégique considérable. Malheureusement, l’étalement urbain lié à la proximité avec Montréal fragilise notre garde-manger collectif : 35 % de la production agricole du Québec est générée en Montérégie !
L’agriculture est l’un des secteurs économiques les plus touchés par les changements du climat. Déjà, les agricultrices et les agriculteurs de la Montérégie doivent composer avec d’importantes conséquences, notamment sur la productivité de leur ferme. Moins de rendement = moins d’aliments !
Les sols agricoles jouent un rôle vital pour la sécurité alimentaire et la lutte aux changements climatiques. Les élus qui nous gouvernent devront rapidement comprendre qu’ils ont le devoir de les protéger avant qu’il ne soit trop tard.