Date: 28 mai 2019
Source: Farmlandgrab, GRAIN
Une action de solidarité avec les communautés affectées par les plantations de SOCFIN en Afrique et en Asie a été menée au Luxembourg ce 28 mai durant l’Assemblée générale de la multinationale. Une dizaine d’activistes ont directement participé à l’AG pour dénoncer ses agissements et réclamer des actions immédiates : « l’engagement volontaire des multinationales ne mène nulle part. Les États doivent adopter des lois pour réguler ces entreprises basées en Europe » explique Marine Lefebvre, porte-parole des ONG luxembourgeoises, qui a participé à l’action. Le même jour, des ONG suisses se sont mobilisées devant les nouveaux bureaux de SOCFIN délocalisés à Fribourg en relayant le message : « SOCFIN, we are watching you ! ».
Cette mobilisation transnationale d’organisations de la société civile de Belgique, France, Suisse et Luxembourg entend dénoncer le double discours de dirigeants qui ne respectent pas leurs engagements et nient les conflits sociaux et fonciers sévissant dans presque toutes les plantations d’hévéa et de palmiers à huile du Groupe. « Le but poursuivi par les activistes était d’interpeller directement les dirigeants et actionnaires présents à l’AG et de pouvoir y relayer les revendications des centaines de milliers de personnes affectées par les activités de SOCFIN. Le discours porté publiquement par SOCFIN, et repris dans son Rapport annuel de développement durable, ne reflète pas la réalité. Il était de notre devoir d’en apporter la preuve » témoigne Florence Kroff, porte-parole des ONG belges.
Parallèlement, plusieurs de ces organisations se tournent vers le système judiciaire pour faire exécuter des engagements pris. Hier, une assignation à comparaître devant le Tribunal de Grande instance de Nanterre a été remise au Groupe Bolloré, deuxième actionnaire du Groupe SOCFIN. Cette action judiciaire inédite vise à forcer le Groupe BOLLORÉ S.A à mettre en œuvre un plan d’action auquel il s’était engagé envers les communautés affectées par les activités de SOCFIN au Cameroun.
Promesses non-tenues et criminalisation des défenseurs des droits humains
Deux ans après l’adoption par SOCFIN d’une nouvelle « politique de gestion responsable », les communautés locales n’ont constaté aucune réelle avancée sur le terrain, pire, la situation s’aggrave. En Sierra Leone par exemple, le conflit entre l’entreprise et les communautés locales s’est à nouveau enflammé en janvier 2019, menant à la mort de 2 personnes, à l’arrestation arbitraire de 15 militants et au déplacement forcé de centaines de riverains. Au Liberia aussi la situation empire et surtout pour les femmes : de plus en plus de cas de harcèlement et d’abus sexuels sont rapportés dans les plantations, souvent commis par les vigiles ou les managers des entreprises intermédiaires.
Ces abus et les autres impacts négatifs de l’activité de SOCFIN ont été largement documentés dans deux rapports récents analysant la situation dans les plantations de Sierra Leone et du Liberia. Un rapport transversal revenant sur les engagements non tenus dans des dizaines de plantations de SOCFIN, dans 4 pays différents est également publié ce jour. Ces rapports ont été remis aux dirigeants et actionnaires de l’entreprise lors de L’action à l’AG de SOCFIN. La liste des atteintes subies par les riverains des plantations est longue : conflits fonciers, violences faites aux femmes, privation de ressources forestières, rivières polluées, compensations dérisoires, conditions de travail précaires, promesses de dialogue non respectées, projets sociaux inexécutés, insécurité alimentaire, criminalisation grave des défenseurs des communautés, etc.
Des normes contraignantes pour garantir le respect des droits
Les organisations dénoncent l’inefficacité de l’autorégulation des entreprises et le manque de régulation publique des multinationales. En effet, le cas de SOCFIN illustre l’impact négatif que les entreprises transnationales peuvent avoir sur les communautés locales et l’environnement. Bien que ces crimes aient lieu ailleurs, les filiales de SOCFIN sont gérées depuis l’Europe. Quatre États sont directement concernés : la Belgique (l’actionnaire majoritaire étant belge), le Luxembourg (pays du domicile de son siège), la France (de par l’actionnariat à 39,4 % de Vincent Bolloré) et la Suisse (où SOCFIN a plusieurs sociétés opérationnelles). Tous ont l’obligation de protéger les droits humains en prévenant et/ou en remédiant aux abus commis par SOCFIN. Les organisations signataires luxembourgeoise, belges et suisses appellent leurs gouvernements à imposer un devoir de vigilance aux entreprises, comme l’a fait la France par la loi dite Rana Plaza de 2017. Il s’agit notamment de concrétiser la responsabilité des entreprises en assurant, pour les personnes affectées, l’accès à la justice.
Aussi, les organisations revendiquent le droit d’engager la responsabilité d’une multinationale librement, et de contribuer au débat d’intérêt général sur les conditions dans lesquelles des sociétés exercent leurs activités à l’étranger. « L’assignation de Bolloré en justice devrait être un pas important dans la responsabilisation des acteurs économiques, qui ne peuvent se libérer de façon unilatérale de leurs engagements, ni prendre ceux-ci dans le seul but d’acheter la paix sociale ou une image éthique » conclut Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux à Sherpa.
Organisations signataires :
Belgique:
AEFJN
CNCD-11.11.11
Entraide et Fraternité
FIAN Belgium
France:
Confédération paysanne
ReAct
International :
GRAIN
Luxembourg:
Les 16 organisations de l’Initiative pour un devoir de vigilance – voir liste ici
Les 22 organisations de la Plateforme Meng landwirtschaft – voir liste ici
Suisse:
Attac Fribourg
Bread for all
FIAN Switzerland
Multiwatch
Solifonds
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Note aux rédacteurs:
Original source: GRAIN