Le Sahel est un cas paradigmatique des enjeux de gouvernance des ressources en contexte de conflit armé. Souvent traitées de manière caricaturale, sous l’angle d’une « naturelle » compétition pour des ressources en « raréfaction dans des milieux fragiles », les dimensions politiques qui lient la gouvernance des ressources aux conflits violents méritent d’être explicitées (Moritz, 2010 ; Krätli et Toulmin, 2020). Des recherches récentes montrent que les dynamiques insurrectionnelles à l’œuvre reposent sur une contestation généralisée de l’Etat, d’élites urbaines et rurales dans un contexte d’enclosures et accaparements liés au développement d’activités minières, agricoles, de conservation de l’environnement, etc. (Benjaminsen et Ba, 2019 ; Bouju, 2020 ; Hubert, 2021, 2022). Le développement en tant que régime institutionnel produit des politiques publiques inadaptées, extraverties et fragmentées, croisant intérêt des élites nationales et influences internationales (Davis, 2016 ; Lavigne Delville, 2017). Il a lui aussi des effets sur les formes et les arènes locales de la gouvernance des ressources.
Dans ce contexte, les institutions socio-politiques locales, qui permettaient un niveau de flexibilité et de négociation, et des usages multiples dans l’accès aux ressources, subissent des reconfigurations qui érodent leur potentiel coopératif, et engendrent une réelle raréfaction des ressources pour des groupes et des acteurs défavorisés. En même temps, l’ampleur des violences (contre)insurrectionnelles, le retrait de l’Etat d’une partie importante des milieux ruraux sahéliens ouvre le champ à des nouvelles formes de gouvernance par la violence,
aux contours mouvants et discriminatoires. Les groupes armés assurent leur contrôle sur le territoire en s’imposant dans le règlement des conflits, en prenant le contrôle direct de certaines ressources, en organisant des prélèvements sur d’autres (Poudiougou et Zanoletti, 2020).
A partir d’un usage non normatif du concept de gouvernance (Blundo et Lemeur, 2009), cette journée propose d’articuler les dimensions conflictogènes de la gouvernance des ressources dans les milieux ruraux sahéliens, l’enjeu du contrôle des ressources pour les groupes armés, les recompositions à l’œuvre dans les situations actuelles de conflit ouvert et, enfin, les manières dont les populations négocient l’accès aux espaces, les circulations et les mobilités nécessaires à la subsistance en contexte de forte variabilité environnementale et politique.
Jeudi 5 septembre 2024, UPV, Salle 009-Actes site St-Charles 2, Montpellier
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