Les agriculteurs du Nigeria ont besoin d’aide pour s’adapter au changement climatique
Date: 3 mai 2017
Source: Irin
Par Linus Unah
Ce reportage fait partie d’un projet spécial traitant des conséquences du changement climatique sur la sécurité alimentaire et sur les moyens de subsistance des petits paysans au Kenya, au Nigeria, au Sénégal et au Zimbabwe
Okechukwu Onwuma se souvient encore du jour douloureux où de graves inondations ont détruit sa petite ferme de l’État du Delta, dans le sud du Nigeria.
« C’était en novembre 2012 : les inondations n’ont rien épargné dans ma communauté », a dit l’homme de 45 ans, penché au-dessus d’un petit tas d’ignames sur sa ferme, située près d’Oko-Amakom. « Les agriculteurs ont pleuré amèrement et personne ne nous est venu en aide », a-t-il dit. « L’eau a recouvert nos terres, inondé nos maisons et déplacé des milliers de personnes. »
Les inondations sont un problème récurrent au Nigeria, notamment dans les États du sud, où convergent la rivière Bénoué et le fleuve Niger.
En 2012, des inondations sans précédent ont affecté 30 des 36 États du pays. Selon les estimations du gouvernement, la valeur des dommages s’est élevée à quelque 16,9 milliards de dollars. Des cours d’eau sont sortis de leur lit, détruisant des terres, des villages et des infrastructures essentielles. À la mi-octobre, les inondations avaient fait au moins 431 morts et déplacé 1,3 million de personnes.
« Les inondations ont détruit toutes nos terres et submergé mes plantations de manioc, d’igname, de maïs et d’arachides », a dit à IRIN Alice Daniel, une femme de 80 ans dont la ferme se trouve pourtant à près de deux kilomètres du fleuve Niger.
Trois ans plus tard, en 2015, les inondations survenues dans l’État de Cross River ontdéplacé plus de 1 200 familles et détruit 4 500 fermes dans les communautés côtières du sud. Dans le nord du pays, cette année-là, les inondations ont fait 53 morts et déplacé plus de 100 000 personnes.
Un littoral vulnérable
Les crues subites, qui peuvent entraîner l’érosion des terres arables et réduire la fertilité des sols, sont particulièrement communes dans le sud pendant la saison des pluies allant de mai à septembre. Mais la salinisation des terres cultivables associée à l’élévation du niveau de la mer est devenue un problème permanent. Le changement climatique menace ainsi plus que jamais les moyens de subsistance des agriculteurs des zones côtières.
Selon une étude réalisée en 2014 par l’organisation à but non lucratif Nigerian Environmental Study Action Team (NEST), l’augmentation du niveau de la mer et les raz-de-marée répétés dans le sud du Nigeria risquent d’aggraver les problèmes d’érosion côtière et d’inondation dans la région du delta du Niger. D’après les auteurs de l’étude, certaines cultures pourraient être menacées. Les principales cultures alimentaires du sud du pays sont le manioc, l’igname, le plantain, le maïs et le sorgho.
Selon la soumission présentée par le gouvernement nigérian à la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC), « le littoral du Nigeria subit déjà des changements morphologiques marqués provoqués par des événements naturels extrêmes comme les raz-de-marée et les tsunamis ».
Le réchauffement climatique devrait entraîner une augmentation du niveau des océans de 0,5 à 1 mètre d’ici la fin du siècle. Selon le gouvernement nigérian, entre 35 et 75 pour cent des terres du delta du Niger, par ailleurs très fertiles, risquent ainsi de disparaître d’ici 2100.
« Si le niveau de la mer augmente d’un mètre, le delta du Niger pourrait perdre plus de 15 000 kilomètres carrés de terres d’ici 2100 », selon l’organisation à but non lucratif Community Research and Development Centre (CREDC), basée dans l’État d’Edo, dans le sud du pays.
Un impact « énorme »
Selon Anthonia Ifeyinwa Achike, professeure d’économie agricole et ancienne directrice de l’African Climate Change Adaptation Initiative à l’Université du Nigeria à Nsukka, le changement climatique a d’« énormes » répercussions sur les petits agriculteurs du sud du Nigeria. Elle cite notamment « la destruction des cultures, du bétail, des maisons, des bâtiments et des équipements agricoles, la réduction de la production, le développement de maladies et d’infections, la contamination de l’eau, la mort, la maladie, l’augmentation des coûts des activités agricoles et les traumatismes psychologiques ».
Si rien n’est fait pour atténuer les effets du changement climatique sur le secteur agricole nigérian, « la productivité pourrait chuter de 10 à 25 pour cent d’ici 2080 », indique le document du gouvernement.
Les agriculteurs comme M. Onwuma sont déterminés à ne pas laisser la situation dégénérer sans rien faire. Nombre d’entre eux ont recours à des stratégies d’adaptation : ils sèment à des moments différents de l’année, ils plantent les semences plus profondément dans le sol et ils utilisent des variétés à maturation rapide et des cultures de couverture comme le melon pour garder la terre humide. Ils améliorent ainsi leur sécurité alimentaire. « Puisque nous savons maintenant que les crues subites surviennent chaque année aux alentours du mois de septembre, nous essayons de commencer à planter des variétés améliorées en janvier, au plus tard, afin de pouvoir les récolter en août ou pendant la première semaine de septembre », a dit M. Onwuma.
Mme Daniel a confirmé la méthode utilisée et ajouté : « Depuis que nous avons commencé à planter et à récolter en fonction des nouvelles conditions climatiques, les agriculteurs n’enregistrent plus autant de pertes. »
Où trouver de l’aide ?
Les défis à relever demeurent cependant de taille. Selon une étude de NEST intituléeBuilding Nigeria’s Response to Climate Change [Développer la réponse du Nigeria au changement climatique], moins de deux pour cent des agriculteurs nigérians irriguent leurs champs.
« Dans le sud du Nigeria, on pratique surtout l’agriculture pluviale », a dit à IRIN le directeur du CREDC Etiosa Uyigue. « Le succès des agriculteurs dépend donc de leur capacité à prédire le début et la fin des pluies. Or il est difficile pour eux de faire des prédictions avec les changements survenus dans le régime des précipitations. Cela peut affecter leur production. »
D’après M. Uyigue, les efforts déployés pour renforcer l’adaptation des agriculteurs aux catastrophes associées au climat et ainsi réduire leur vulnérabilité devraient inclure « une formation continue sur les méthodes agricoles pouvant être adaptées à ce genre de contexte ». « Encore une fois, le gouvernement peut améliorer ses services de vulgarisation en donnant simplement aux agriculteurs les informations dont ils ont besoin au bon moment. De telles informations peuvent inclure des alertes précoces pour les catastrophes imminentes. »
D’ici 2050, le Nigeria devrait prendre la place des États-Unis en tant que troisième pays le plus peuplé de la planète. Or on craint que le changement climatique ne vienne compromettre la sécurité alimentaire au Nigeria, d’autant plus que les chocs climatiques comme les inondations peuvent entraver l’accès aux marchés locaux. Selon une étude réalisée en 2011 par NEST, dans les cas extrêmes, la malnutrition infantile peut devenir un phénomène répandu et contraindre les agriculteurs ruraux à se déplacer vers les villes.
Dans sa soumission à la CCNUCC, le gouvernement nigérian présente de façon détaillée une série d’initiatives d’adaptation. Selon Mme Achike, toutefois, ces initiatives ne se sont pas encore traduites par des actions concrètes. « Plusieurs politiques et programmes gouvernementaux ont été adoptés en vue de stimuler la production agricole et de s’adapter au changement climatique, mais aucune ne semble être suffisamment efficace. Cela est dû à l’incohérence des politiques, à l’absence d’une réelle volonté politique de faire ce qu’il faut et à l’octroi de contrats concernant le changement climatique à des collègues politiques qui ne font rien du tout ou qui font mal les choses. Il semble par ailleurs que le gouvernement préfère s’adresser à des gens qui ne sont pas des experts de la question », a-t-elle dit à IRIN.
Le problème du financement
Si tout le monde s’entend pour dire qu’il faut agir rapidement, le Nigeria peine malgré tout à réunir ne serait-ce que les fonds nécessaires pour s’adapter au changement climatique.
Un comité de la Chambre des représentants du Nigeria a récemment qualifié d’« inadéquat » le budget actuel de 8,1 milliards de nairas (26,5 millions de dollars) alloué à la lutte contre le changement climatique. Ce chiffre est bien loin des 140 milliards de dollars jugés nécessaires par un expert de la Banque mondiale. En mars, le ministre de l’Environnement du Nigeria a annoncé l’émission de 20 milliards de dollars d’obligations dans le but de lever des fonds pour la lutte contre les effets négatifs du changement climatique.
Mais il arrive aussi parfois que des fonds clairement alloués à un projet ou une cause ne parviennent pas aux bénéficiaires. Une enquête menée par l’International Centre for Investigative Reporting, à Abuja, a par exemple révélé que des millions de nairas destinés aux communautés affectées avaient été détournés de l’Ecological Fund, un fonds mis sur pied pour s’attaquer à divers problèmes environnementaux comme les inondations, les sécheresses, les déversements de pétrole et les glissements de terrain. La Haute Cour fédérale juge actuellement un ancien gouverneur de l’État central du Plateau qui aurait présumément détourné 1 162 milliards de nairas (3,8 millions de dollars) de l’Ecological Fund.
La semaine dernière, les 36 gouverneurs des États nigérians ont mis sur pied un comité pour vérifier la caisse du fonds, qui devrait s’élever à 110 millions de dollars. La plupart des États ont dit qu’ils n’avaient reçu aucune allocation de la part du Fonds depuis que le président Muhammadu Buhari a pris son poste en mai 2015.
« Quand les inondations ont ravagé nos cultures, en 2012, des sommes importantes ont été distribuées, mais les agriculteurs n’ont rien reçu », a dit M. Onwuma, de l’État du Delta. « Nous avons seulement obtenu des vivres et des articles de première nécessité, mais rien n’a été dit au sujet de la submersion de nos cultures et de la destruction de nos terres. »
Il a ajouté que ses collègues agriculteurs et lui ont surtout besoin d’obtenir des informations opportunes sur le changement climatique par l’intermédiaire des services de vulgarisation et des médias de masse. « Les inondations continueront de se produire chaque année en septembre, mais nous pourrons toujours nous en sortir en plantant correctement. Ce que l’on craint, toutefois, c’est que des précipitations plus importantes entraînent un changement dans les régimes d’inondation et que nous soyons de nouveau confrontés à des difficultés. »
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