Date: 15 décembre 2017
Source: Farmlandgrab
L’Anywaa Survival Organisation, l’Ethiopian Anuak Development Foundation et l’Anuak Community Association in North America, forts du soutien de la société civile internationale et des leaders de la communauté anuak du monde entier, exhortent les gouvernements éthiopien et indien à arrêter leurs négociations avec Karuturi Global Ltd et à faire en sorte que l’entreprise quitte définitivement Gambela et les autres régions d’Éthiopie. Les gouvernements de ces deux pays doivent demander des comptes à l’entreprise pour avoir détruit les moyens de subsistance, l’environnement, la biodiversité et l’écosystème de la population locale. Nous insistons sur l’importance pour les populations autochtones de la terre et de l’environnement, qui sont pour elles synonymes de subsistance, de sécurité et de souveraineté alimentaires, de source de terres agricoles, de pâture, de pêche, de chasse et de médicaments traditionnels.
En 2009-2010, Karuturi Global a obtenu l’allocation de 300 000 ha à Gambela et ailleurs en Éthiopie pour des projets agricoles. L’investisseur n’a jamais cultivé plus de quelques milliers d’hectares. Dans le pays voisin, au Kenya, la ferme de production de fleurs de l’entreprise a été déclarée en faillite et les permis ont été résiliés comme il se doit. En septembre 2017, Karuturi a reconnu sa défaite et annoncé son départ imminent, mais il tente maintenant de pousser le gouvernement indien à tenter de convaincre les autorités éthiopiennes de lui donner une seconde chance.
Les opérations de Karuturi à Gambela et ailleurs en Éthiopie ont exposé les Anuak à une grave insécurité alimentaire et les ont rendus dépendants de l’aide humanitaire. Les Anuak ont perdu leur bétail, leurs réserves de poisson et les animaux sauvages, à cause de la contamination des rivières, des lacs et de l’environnement provoquée par l’usage de produits chimiques dans les grandes exploitations agricoles de l’entreprise. Leur sécurité alimentaire et leur capacité à se protéger contre la pauvreté et les maladies s’en sont trouvées réduites et affaiblies.
Les communautés locales ont compris qu’elles s’en tirent beaucoup mieux sans les investissements de l’entreprise et ses vaines promesses d’opportunités d’emploi, d’autres avantages économiques et de sécurité alimentaire. En réalité l’entreprise a déchiré la communauté et laissé beaucoup de personnes affamées et sans toit. Une partie de la population s’est enfuie vers le Soudan du Sud et le Kenya, ruinant l’avenir de ses enfants qui se retrouvent coincés dans des camps de réfugiés, sans possibilité d’aller à l’école. Les jeunes, filles et garçons, sont obligés de travailler dans les exploitations de Karuturi pendant de longues heures et pour une maigre rémunération, ce qui enfreint le droit du travail national et international.
En outre, les projets agroalimentaires de Karuturi ont mis à mal la promotion et la protection des droits humains fondamentaux : les opposants à ces projets ont été emprisonnés, arrêtés et persécutés de manière arbitraire. En 2015, des défenseurs éthiopiens des droits fonciers et de la sécurité alimentaire ont ainsi été arrêtés et persécutés, sur la base de fausses accusations, pour avoir essayé d’assister à un atelier sur la sécurité alimentaire et les droits fonciers. Un procès interminable se poursuit contre la sécurité alimentaire, les droits fonciers et les défenseurs de l’environnement en Éthiopie.
Le projet d’investissement foncier de Karuturi a entraîné la déforestation de vastes parcelles de terre, autrement dit d’énormes conséquences sur les forêts, la biodiversité et les écosystèmes, comme la pollution des rivières, des lacs et des marécages. La population locale qui s’oppose vivement aux activités de Karuturi Global en Éthiopie, exige que les terres soient rendues aux communautés et que le gouvernement éthiopien reconnaisse leurs droits coutumiers et leur savoirs traditionnels en matière de gestion environnementale. Depuis que l’entreprise a cessé ses activités à la ferme de Gambela au début de 2014, la population locale affirme avoir observé une repousse de la végétation naturelle et le retour d’animaux sauvages, signes d’un rétablissement rapide de l’environnement.
C’est pourquoi nous exhortons les gouvernements éthiopien et indien à rejeter les prétentions de l’entreprise concernant la terre qui appartient aux communautés locales en vertu des droits fonciers coutumiers et à soutenir les efforts de la population pour reprendre le contrôle de leurs terres et de leurs ressources.
Signé par:
Anywaa Survival Organisation, ASO
Ethiopian Anuak Development Foundation, Australie
Anuak Community Association in North America, Etats-Unis
Avec le soutien de:
ADAPE-Guinée
Adivasi Women's Network, Inde
Africa Faith & Justice Network, Etats-Unis
AMIHAN (National Federation of Peasant Women), Philippines
Asia Indigenous People's Pact (AIPP), régional
Asian Peasant Coalition (APC), régional
Biofuelwatch, Royaume-Uni
Catholic Justice and Peace Commission, Libéria
CELADA, Canada
Collectif pour la défense des terres malgaches - TANY, Madagascar/France
Committee for the Abolition of Illegitimate Debt (CADTM), international
Community Alliance for Global Justice, Etats-Unis
Ecumenical Association for Sustainable Agriculture and Rural Development (ECASARD), Ghana
Faith and Justice Network, Libéria
Food Sovereignty, Ghana
Ghana National Convergence Platform on Land and Natural Resources Struggle, Ghana
GRAIN, international
Grassroots International, US
Indigenous Peoples Forum, Inde
Kilusang Magbubukid ng Pilipinas (KMP), Philippines
Local Futures, Etats-Unis/Royaume-Uni
National Farmers Union, Canada
Oakland Institute, international
Office for Mission and the Pontifical Mission Societies, Etats-Unis
Organisation Ivoirienne pour la paix (OIP), Côte d'Ivoire
People's Coalition on Food Sovereignty (PCFS), international
Réseau Foi et Justice Afrique Europe, France
SOS Faim-Luxembourg
The Corner House, Royaume-Uni
US Food Sovereignty Alliance, Etats-Unis
World Rainforest Movement, international